Le train au Japon

On entend souvent que la qualité du transport ferroviaire au Japon est nettement supérieure à la nôtre.

Et au premier abord c’est vrai, c’est la première chose qu’on constate : Dans un train au Japon c’est moderne, c’est propre, c’est efficace, c’est à l’heure, et c’est valable aussi bien pour un Shinkansen (équivalent TGV) que pour un métro pris au hasard dans la capitale.

Un Shinkansen, équivalent du TGV.

Un Shinkansen, équivalent japonais du TGV.

Pourtant pour expliquer cette différence, après trois voyages au Japon cette année, j’ai quand même été frappé par une chose qui allait au delà des supposées vétusté et désorganisation du réseau français ou même de la soit-disant incompétence des agents SNCF/RATP : le comportement des usagers.

Pour tenter de l’expliquer, mettons-nous en situation un jour de semaine en heure de pointe sur une ligne de métro bondée.

8h41 et 54 secondes : Le train s’arrête, les portes s’ouvrent sur un wagon pour lequel je me suis assuré qu’il n’était pas women only. Tiens, la sonnerie de fermeture des portes retentit déjà.
8h42 et 1 seconde : après avoir attendu que le torrent de passagers prisonniers de la voiture se déverse sur le quai, je me lance dans une partie de Tetris sauvage pour trouver un emplacement qui me permettra de respirer. Faut être honnête, y’a nettement plus de monde dans ce métro que dans les pires heures du RER A à Gare de Lyon un jour de grève nationale.
8h42 et 11 secondes : le train démarre au son des cris déchaînés des pousseurs qui viennent de terminer leur besogne, permettant aux portes de se fermer en toute quiétude.
8h43 et 31 secondes : Je marche sur le pied d’un salaryman japonais qui me lance un sumimasen (« Excusez-moi ») en souriant timidement.
8h43 et 49 secondes : Je mets un malencontreux coup de coude dans la tête d’une personne âgée assise près de moi qui me lance un sumimasen (« Excusez-moi ») en souriant timidement.
– 8h43 et 50 secondes : Un enfant bouscule par mégarde mon sac en tentant de s’extirper du wagon à la station suivante. Je lui lance un regard glacial pour lui faire comprendre qu’il ferait mieux de faire gaffe la prochaine fois. Il pouvait pas faire gaffe, putain?
8h49 et 18 secondes : J’arrive à la station cible. Les portes s’ouvrent. Le tsunami humain se déchaîne vers l’extérieur, je me laisse porter par la violence des événements pour enfin me retrouver dehors, un peu sonné et choqué. Je me retiens de coller une droite à la mamie qui m’a dégagé de son chemin sans ménagement, et je me dirige vers la sortie au milieu de la foule silencieuse. Je suis libre.

En fait c’est simple, une petite expérience de quelques minutes dans un métro aux heures de pointe suffira amplement à n’importe qui pour comprendre le fossé qui sépare nos deux pays pour ce qui est du transport en commun.
Dans un métro Japonais, pas besoin de demander aux gens de faire de la place en s’enfonçant un peu plus dans le wagon, ils le font naturellement, et en se dépêchant avec pour corollaire que personne te repousse violemment du cul vers l’extérieur en te lâchant, quand il/elle est poli(e), un « désolé m’sieur, y’a plus d’place » contrit. C’est même l’inverse, ils poussent avec toi vers l’intérieur pour que tu rentres. En se dépêchant.
Dans un métro Japonais, personne semble choqué par personne quand ça pousse, ça bouscule, ça se marche dessus. Les gens gardent leur sang-froid et du coup, quand, paniqué, on essaie de sortir de la masse agglutinée en jouant des coudes, personne ne te lance un « hé tu pourrais faire un peu attention nan ? »
Quand c’est l’heure, c’est l’heure : j’ai jamais vu personne oser ne serait-ce que regarder une porte quand elle se ferme. Aucun usager ne va tenter de rentrer de force dans le wagon en retenant l’air de rien la fermeture des portes et par conséquent, le train, pour faire rentrer ses trois potes et son vélo.

D’ailleurs, ceci est loin d’être exhaustif  et ne concerne bien évidemment pas que le métro tokyoïte (on pourrait citer par exemple les gens qui font sagement la queue en respectant le marquage au sol avant de rentrer dans le train, ou encore la grande majorité de voyageurs qui gardent leurs canettes vides/poubelles avec eux jusqu’à leur arrivée au lieu de les jeter négligemment sur un siège).

A l'intérieur d'un Shinkansen. Hé ouais, c'est propre.

A l’intérieur d’un Shinkansen. Hé ouais, c’est propre.

D’une manière générale c’est évident, les usagers tâchent d’aller au plus vite en respectant robotiquement les règles établies lorsqu’il s’agit d’emprunter le train, et il est assez facile d’en déduire que l’impact sur la ponctualité est énorme, participant probablement à cette fameuse efficacité des transports japonais.

Et même si je ne tenterai pas de faire passer l’usager Japonais moyen pour un modèle de gentillesse et de chaleur qu’il n’est pas, je dois admettre que l’attitude calme et concernée du voyageur nippon pour s’assurer qu’il ne troublera pas le déroulement général des opérations me rend plutôt admiratif.

Compte-tenu du fait que chez mes compatriotes, on est très loin d’un état d’esprit concerné par autre chose que sa personne et les passagers de sa sphère vitale, je finirais presque par croire que c’est un miracle si la RATP et la SNCF parviennent à organiser un service quotidien passable voire bon dans certains cas malgré les problèmes bien connus de vieillesse des infrastructures et de manque criant de budget et de personnel.

On pourrait même presque être fiers d’eux, en fait.

2 réflexions au sujet de « Le train au Japon »

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