Courir à Tokyo, une lutte en pleine jungle urbaine

Etant un, léger, adepte de la course à pied, il faut bien avouer que quand on vit à Tokyo il n’est pas toujours évident de trouver chaussures à son pied (Mdr non? Chaussure à son pied, course à pied? Non? Ok.) et tenter de dénicher la perle rare au milieu de tous ces buildings s’avère nettement plus difficile qu’on ne pourrait le croire pour une ville de cette taille.
running-palace-11

Effectivement à l’exception de deux grands parcs situés à l’ouest de la ville (et encore, il est interdit d’y courir.), difficile de trouver un coin qui permette à la fois de voir un peu de verdure, de ne pas risquer de se faire écraser lorsqu’on traverse, tous les 10 mètres, une route et qui ne soit pas envahi de piétons et surtout de vélos-tueurs, la grande épidémie sévissant sur les trottoirs japonais. Mais il suffit d’une rapide recherche sur Googlemaps© pour s’apercevoir de la présence d’un véritable poumon urbain en plein centre ville: Le parc du palais impérial ou Kōkyo. En plus du fait que ça sonne vachement bien, cet espace de verdure apparaît comme une évidence tant les points positifs sont nombreux. Il est immense, central, beaucoup de verdure et il n’est traversé par aucune route automobile.

C’est un lieu idéal, pas de discussions possibles, et c’est lors d’une phase de reconnaissance que je me suis aperçu que je n’étais pas le seul à en être arrivé à cette conclusion. Oui, comme tout ce qui est rare, ce parc est très prisé par les joggers où j’ai pu constater une foule de coureurs de tous âges et toutes conditions, parfois entassés aux heures de pointe sur le parcours selon un scénario digne des pires heures de l’histoire de l’engorgement du métro.

running-palace-01

L’une des entrées du parc du palais. Ça a d’la gueule, faut être honnête.

En réalité, il est interdit de courir dans l’enceinte du parc ouverte au public (le palais de l’Empereur en lui même ainsi que son parc privatif étant fermés au public pratiquement toute l’année), cependant le parcours piéton de 5 km tout pile qui ceinture le palais s’avère finalement un réel centre urbain de course à pied, qui est d’ailleurs le principal centre d’entrainement des coureurs du marathon de Tokyo : chaussée large balisée tous les 100m et parsemée de fontaines publiques pour se désaltérer, grande esplanade près de l’entrée principale toute équipée pour les séances d’étirements, le repos du guerrier ou même la mesure du chrono puisqu’une horloge à l’intention du coureur y est présente. Place où les joggeurs peuvent laisser en toute quiétude leur affaires traîner sur les bancs en attendant leur retour. Mieux encore, quelques points sont ouverts autour du parc où pour quelques piècettes (Un tout à fait honnête 10 euros pour le mien. ‘Culés) on peut accéder à un service de vestiaire pour déposer ses affaires, se changer, se doucher et se reposer tout en ingurgitant l’une des diverses boissons énergétiques vendues sur place.

Mon spot douche/vestiaire et les sympathiques petits préposés au guichet. Ouais c'est flou JE SAIS.

Mon spot douche/vestiaire., et mes sympathiques petits préposés au guichet. Ouais c’est flou JE SAIS.

Mais attention. Il ne faut surtout pas se fier à cette impression de calme et de bien-être initié par cette véritable bouffée d’oxygène au cœur d’une ville symbole de l’urbanisation à outrance. Comme tout spot envahi de « puristes », ce parcours est en réalité une véritable jungle régie par des codes et une certaine éthique. Hé ouais. Déjà, il y a un sens. Si tu ne coures pas dans le bon sens, tu tomberas forcément sur les regards inquisiteurs qui te feront comprendre que t’es en train de faire la connerie du siècle. A part quelques touristes de passage ou des récalcitrants tatoués personne ne fait JAMAIS l’erreur de ne pas courir dans le bon sens. Ensuite, il y a la hiérarchie. Les coureurs en sont la classe aristocratique, les vélos représentant leur branche armée pas vraiment féodée à ses maîtres par ailleurs. Les piétons eux ne sont qu’un détail, une anomalie du paysage, qui n’a pas encore été éradiquée simplement parce que quelques principes humanistes animent encore les tenants du pouvoir. Tu es un coureur, tu as donc le privilège de tenir la corde pour bénéficier des bienfaits du paysage, délicieux mélange d’enceinte moyen-âgeuse constituée de blocs de pierres millénaires, de douves merveilleuses ou perdurent une faune et une flore multicolore et toute la beauté du faste impérial à la japonaise. Tu es un piéton, tu dois tenir l’extérieur du parcours et te contenter des routes engorgées, de la pollution, de la grisaille et des buildings.

Il arrive cependant parfois que la populace fomente une insurrection. Notez la préparation de l'aristocrate à l'impact. Ça va faire mal.

Il arrive cependant parfois que la populace fomente une insurrection. Notez la préparation de la joggeuse à l’impact. Ça va faire mal.

Les vélos quant à eux, se chargent d’assurer la garde de la frontière entre les deux classes et malheur à qui tenterait de la franchir impunément! Un vélo qui te rentre dans les jambes à 180km/h, ça fait toujours mal. Dommage que les joggeurs soient tout autant visés que la piétaille lors de ces excursions en territoire inconnue, du coup la règle d’or : un petit coup rapide par dessus l’épaule avant tout dépassement, toujours. J’ajouterai pour la nuance que piétons et vélos n’ayant pas obligation de suivre le sens autorisé, la frontière est parfois confuse entre lutte des classes et anarchie bordélique. On fini bien par y arriver, mais l’apprentissage doit se faire dans la douleur quoi qu’il arrive, pour être sûr que ça rentre bien quoi : percuté par un vélo, entravé par un groupe de touristes, ou alors percuté par un vélo lorsqu’on tente de dépasser un groupe de touriste qui nous entrave, voire, parfois, percuter un piéton qui voulait éviter un vélo qui allait le percuter parce que le piéton entravait son passage. Toujours est-il qu’une fois acquises les règles locales, l’expérience se révèle agréable compte-tenu du contexte très urbain dans lequel elle se vit, à tel point que je me prends même parfois à oser comparer avec les petites sessions dans le bois de Vincennes le week end. Quelques liens utiles pour les intéressés : Plan du parcours Site officiel (en japonais) de mon vestiaire favoris. Page dédiée à ce parcours sur TripAdvisor Un blog qui propose divers parcours au coeur de Tokyo

5 réflexions au sujet de « Courir à Tokyo, une lutte en pleine jungle urbaine »

  1. Si j’en crois le blog linké, les maths ne sont pas l’ami des joggers (ou alors, ce qui est au moins aussi probable, ils passent trop de temps le nez sur leur montre gps cardio ihealth) :]

      • 1st Lap: 3.30km
        2nd Lap:6.60km
        3rd Lap:9.90km
        4th Lap:12.00km < oh un tour de l'espace
        5th Lap:13.20km
        6th Lap:16.50km
        7th Lap: 19.90km
        1 LAP: 4km
        2 LAPS: 8km
        3 LAPS: 12km
        4 LAPS: 18km < merde il s'est paumé pendant le tour 😀
        5 LAPS: 22km
        6 LAPS: 26km
        7 LAPS:30km

  2. Ping : Ces blogs qui vous parlent du Japon | Les Carnets de Camille

Laisser un commentaire